Singapour n'aurait pas connu de développement fulgurant sans l’action décisive de son Housing and Development Board, le fameux HDB.
Au tournant des années 50, Singapour ressemble en tout point à un pays en phase initiale de développement, qui plus est au sortir d’une longue période d’occupation. L’ile manque cruellement d’habitations décentes. La partie urbaine est surpeuplée et désorganisée ; la partir rurale est parsemée de kampongs, ces villages peu développés. La majorité de la population vit dans des squats ou, selon leurs propres termes, des slums. Les intérieurs des habitations ne sont en effet pas différents de ce que l’on trouve aujourd’hui dans les bidonvilles d’Asie du Sud.
Lorsque le HDB est créé, en 1960, c’est bien avec la mission de fournir un habitat abondant, à bas coût et de qualité. Les grandes orientations retenues dès le début s'avèrent décisives: les constructions seront de grande hauteur et à forte densité ; elles s’inscriront dans la planification soigneuse de la ville ; enfin elles viseront à transformer Singapour en une île de propriétaires, rendant ainsi les citoyens partie prenante au développement de la nation. Le résultat est spectaculaire puisqu’au bout d’à peine plus d’une décennie, la moitié de la population réside dans des HDB.
A partir des années 70-80, les HDB permettent la mise en œuvre de la politique sociale de Singapour. L’attribution des logements favorise les candidats qui habitent avec ou près de leurs parents âgés. En parallèle, pour promouvoir l’harmonie raciale et éviter la formation de ghettos, des quotas ethniques sont imposés par immeuble et par quartier. Le lien social entre les habitants est systématiquement recherché. Le rez-de-chaussée de tous les bâtiments, par exemple, est vide : c’est dans cet espace que se réunit et se soude la communauté, que ce soit dans les moments heureux de la vie ou les plus tristes, comme lors des veillées funèbres. Les prestations fournies par l’immeuble rendent les communautés verticales de plus en plus autonomes, tout comme, à plus grande échelle, les villes-HDB auxquelles elles appartiennent.
Les HDB évoluent avec Singapour au fil des décennies. Les immeubles montent en standing avec l’enrichissement de la société. Dans les années 2000, le développement durable fait une apparition remarquée. L’environnement est intégré dans la planification, le logement se fait plus écologique, entouré de verdure, économe en eau et en énergie. L’esthétique, l’audace architecturale des immeubles augmentent régulièrement.
A tel point que les développeurs privés s’émeuvent lorsque sort de terre le Pinnacle at Duxton, un ensemble très impressionnant de 7 bâtiments de 50 étages reliés par deux séries de passerelles, l'une au sommet et l'autre à mi-hauteur. Le Pinnacle rafle alors et détient toujours une série de records internationaux. Le Pinnacle est au logement social traditionnel ce que l’A380 est au DC10.
Aujourd’hui, certaines voix s’élèvent pour critiquer les prix des logements HDB : leur niveau est jugé élevé et leur mode de calcul, injuste. Mais les faits sont là : environ 80% de la population singapourienne vit dans des HDB et plus de 90% d’entre eux sont propriétaires de leurs logements. Le remboursement des prêts au logement draine en moyenne moins de 25% du revenu des Singapouriens, ce qui est bas au regard des niveaux internationaux.
Le siège du HDB, à Toa Payoh, grouille d’activité. Des centaines de personnes patientent dans le hall principal, ticket en main, pour effectuer quelque démarche à l’un des nombreux guichets. Dans une zone séparée, des candidats au logement consultent les annonces des dernières habitations mises en vente ainsi que les règles d’éligibilité. Un peu plus loin, la HDB Gallery retrace l’histoire fabuleuse de l’organisation. Avec force reconstitutions, elle relate une histoire aussi impressionnante qu’émouvante
Difficile de faire rêver en France avec les HLM dont les connotations sont largement négatives. A Singapour, pourtant, c’est possible et très largement mérité.